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dimanche 2 septembre 2012

rhotacisme ? Moi je n'aime pas ce garçon


article précédent : hernie, tétracorde et haruspice



*ghais-, la racine proto-indo-européenne *ghais- ! c'était, pour faire court : "coller".
Dans le sens d'"être fixé", d'"adhérer".

C'est par le latin que nous en avons hérité : haerĕo, à l'infinitif : haerēre, signifiait "rester contre quelque chose, rester ou être attaché, être fixé ou tenir à quelque chose, adhérer".

Ou même, en un sens moins littéral, s'attacher à faire quelque chose, être immobile, rester, demeurer

C'est de là que nous vient le français adhérer, bien sûr, construit sur ad : "à" + haerēre : "coller à".

La cohérence ("co-hérence"), c'est la qualité de ce qui est attaché ensemble, le "rapport d'harmonie ou d'organisation logique entre des éléments".

Nous retrouvons ici l'emploi du préfixe latin cum-, lui-même venant du proto-indo-européen *ko(m) -

PS: Pour les proto-indo-européens *ad- et *kom-, voir respectivement "arobase, arrobe et autres jubilatoires billevesées" et "jardins, courtisans, choeurs et ortolans".


Mais là où ça devient beaucoup plus curieux, c'est que hésiter vient de là !

Oui, car hésiter, c'est en quelque sorte être englué, être immobilisé, rester attaché à quelque chose et ne pas arriver à s'en détacher

- Ah bon ? Mais... adhérer - hésiter
Comment se fait-il que dans un cas, nous avons un "r" - adhéRer, et dans l'autre un "s" - héSiter??

- EXCELLENTE question !
Nous retrouvons d'ailleurs ce "s" au parfait de haerĕo : haesi, tout comme dans son supin : haesum.

A l'origine, donc, la racine proto-indo-européenne *ghais-
Avec un beau "s". 
Passée avec un "s" en latin.
"S" devenu un superbe "r" par la suite…

Soit dit en passant, nous devrions peut-être dire UNE "s", UNE "r".
Et il devrait en être de même pour les lettres F, H, L, M et !
Du moins si l'on se fie au Littré.
Mais l'usage est là, et tout comme les athlètes biélorusses shootées à la métélonome, les lettres se masculinisent…

La championne du poids Nadzeya Ostapchuk


Revenons donc à notre transformation de S en :
Il s'agit d'une parfaite illustration de rhotacisme.

- Rhotacisseuh-meuh ? Moi je n'aime pas ce garçon, hein.

(bête jeu de mot qui ne fera rire que les Belges ; allusion à "Ostracisme", dans "le Mariage de Mademoiselle Beulemans", pièce de théâtre particulièrement savoureuse du répertoire belge.)

Regardez l'extrait ci-dessous, et vous allez comprendre...!



Le pauvre Monsieur Beulemans ne comprend
décidément pas grand-chose à ce que lui raconte
son futur gendre...


Le rhotacisme, c'est tout simplement la transformation d’un phonème en "R", très fréquente en latin.
(A partir d'une certaine époque, qu'on peut placer avant le temps des guerres puniques, la prononciation d'un S entre deux voyelles inclina d'abord vers Z puis prit le son d'un R.)

Guerres puniques

Varron nous écrit d'ailleurs: "in multis verbis quod antiqui dicebant S, postea dicunt R (...)": "dans beaucoup de mots que les anciens prononçaient avec un S, nous disons R (...)".





D'où, à côté de "cohérence", cet autre dérivé de *ghais-, qui reprend toujours la notion originale de "coller", mais cette fois pour désigner la forte union des parties constituant un groupe: cohésion...

Ou encore, à côté de l'adhérence, l'adhésion : approbation, inscription à un parti, à un groupe.




Frédéric


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